Marc Blondel et la corrida

Publié le par Xavier Cheneseau

 

Entretien avec Marc Blondel

 

 

Secrétaire  général de la confédération syndicale Force ouvrière Marc Blondel est un négociateur et une personnalité de premier plan.

 

Côté loisir personnel, c’est un grand amateur de corrida. Nous l’avons rencontrés pour qu’il nous parle de cette passion qui comme la chasse est souvent incomprise.

 

 

1-- Pour vous, la corrida fait-elle partie de notre culture et de nos traditions ?

 

 

Bien que n’étant pas natif du Sud de la France, je considère, en effet, que la corrida s’inscrit dans la culture d’une partie du territoire national, culture partagée par la péninsule Ibérique. Elle fait partie intégrante des sacrifices, quasi rituels, qui ont inspiré le bassin méditerranéen, entre le culte de Mithra et le taurobole dont il reste des traces dans le Sud-Ouest.

 

Mon inclinaison personnelle, bien que d’origine Artésienne, doit venir de la présence espagnole qui a perduré dans le Nord de la France.

 

 

2-- Mais certains affirment qu’il est scandaleux de mettre un animal à mort dans une arène…

 

 

La thèse du spectacle de la mort qui est régulièrement avancée par les anti-corrida ne tient guère devant la violence journalière réelle ou virtuelle que l’on rencontre dans la rue, au cinéma ou à la télévision. Pour ce qui concerne plus particulièrement les animaux il suffit de visiter un abattoir voire de s’en approcher pour mesurer l’hypocrisie de l’affirmation. Il ne reste guère de dignité dans la mort industrielle. Au demeurant, il faut savoir que le taureau de combat, le “toro bravo” est élevé à cette fin, la race n’existerait plus sans corrida.

 

 

3-- Selon vous, d’où est née l’incompréhension entre les amateurs et les opposants à la corrida ?

 

 

Les valeurs ne sont pas partagées. Ainsi, sans faire de prosélytisme, je sacrifie à la corrida pour y trouver la bravoure et une certaine noblesse dans le comportement et ce pour l’ensemble des acteurs, y compris le taureau.

 

Je passe par des moments exaltants puis des déceptions. Mais, la mort est présente, il ne s’agit pas de Morbidité mais d’un risque que l’homme assume pour être égal voir le maître de la force pure, du Dieu taureau en quelque sorte.

 

Cela frôle le paganisme. Dans ces conditions, participe au rituel qui veut, comme chacun sait, l’initiation, quelle qu’elle soit, provoque réactions et oppositions.

 

 

4-En terme tauromachique et de lutte à la corrida, le syndicaliste, c’est le taureau ou le matador ?

 

 

Le syndicaliste, lorsqu’il fréquente les arènes, est à la fois taureau, matador et foule, les trois participants étant indispensables pour un bon spectacle taurin. Dans la vie militante, il est exact que le leurre peut inspirer mon comportement, mais de là à tuer mes adversaires, même symboliquement, il y a un pas… que je ne franchisse pas.

 

 

5-- Vu par la pensée unique, la corrida peut apparaître comme un plaisir d’aristocrates…

 

 

Si l’on recherche l’origine de la corrida, il est clair que la démocratisation s’est faite, du passage du torero à cheval (qui était réservé aux nobles) pour le combat à pied qui se rapprochait plus des jeux des vachers. La synthèse s’est faite par le port de l’épée qui, en quelque sorte, anoblissait l’officiant. D’une certaine façon si la “maestro” fait preuve d’incompétence ou de lâcheté, il est sifflé.

 

La bronca du peuple ressemble fort au carnaval qui, à l’origine, était une moquerie du faible vers le fort.

 

Par contre et nous veillons (les clubs taurins) à la chose, une sélection se fait par l’argent. Nous exigeons qu’un certain nombre de places à des tarifs modestes permettent la participation de tous.

 

 

6- N’existe-t-il pas aussi un problème qui est celui de notre société face à la mort ?

 

 

Bien entendu, in fine c’est l’éternel débat de la vie et de la mort.

 

Cependant, elle s’effectue, si on le désire, sans le recours d’un être supérieur.

 

Nous savons qu’il n’y a pas de réponse à cette interrogation ? Tout comme on ne va pas au cirque pour voir le funambule tomber, on ne va pas en corrida pour voir tuer l’officiant.

 

 

7-- En fait, vous êtes un fervent défenseur des traditions…

 

 

Suis-je défenseur des traditions ! alors quelque peu inconscient. Mais je ne vois pas pourquoi on interdirait les spectacles taurins ouverts au public ?

 

Faudrait-il réserver le combat brave à des expressions privées où seuls les privilégiés (généralement aisés) pourraient assister ?

 

Et, comment justifier une passion ?

 

 

8-- Etes-vous chasseur, et dans la négative pourquoi ?

 

 

Je ne suis pas chasseur, pour différentes raisons.

 

Né quelques années avant l’occupation allemande, il était impossible aux familles du Pas-de-Calais de détenir des armes, même de chasse.

 

Au demeurant, les loisirs dans les corons étaient plus collectifs et moins onéreux. Seuls quelques fermiers eussent pu chasser. Toutefois je dois à la vérité de dire que j’ai, accidentellement, braconné ou plutôt accompagné un excellent braconnier qui était très respectueux et amoureux des animaux. Il faisait preuve de patience et je ne suis pas sûr que lorsqu’il arrivait à ses fins, il en soit très satisfait.

 

C’est la chasse et la connaissance de la chasse qui le passionnaient.

 

 

Publié dans xavier.cheneseau

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